FT 067 - Liberté d'association

 

 

 

 

 

 

Le phénomène associatif est très actif en France. On peut estimer à 800 000 environ le nombre d'associations déclarées en France et à 50 000 le rythme annuel de création (F. Lemeunier, Associations, Paris, Encyclopédie Delmas, 1994).

 

Aux termes de l'article 1er de la loi de 1901, l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices. L'association se caractérise donc par son but désintéressé, sa permanence et l'indépendance de ses membres. La liberté de conclure un tel contrat d'association fut une véritable conquête du

 

XXe siècle (1). Nous en préciserons le contenu (2.) ainsi que ses limites (3.).

 

 

 

1. La conquête de la liberté d'association

 

La liberté d'association est une conquête historique récente. En effet, la Révolution française, notamment avec les lois Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791 interdit aux individus de se grouper pour la défense de leurs « prétendus intérêts communs ». En effet, un nom de la liberté individuelle, les révolutionnaires refusèrent la liberté d'association, par peur que ces groupements portent atteinte à l'Etat ou à l'intérêt général. Puis les articles

 

291 à 294 du Code criminel de 1810 instaurèrent le « délit d'association », prévoyant qu'aucune association de plus de vingt membres ne pouvait se former sans l'autorisation des pouvoirs publics accordés discrétionnairement. La Constitution de 1848 reconnut la liberté d'association mais les tribunaux répressifs nièrent toute portée pratique à ce texte. A la suite de la loi du 21 mars 1884 reconnaissant la liberté syndicale, la loi du 1er juillet 1901 abrogea les dispositions 291 et suivants du Code pénal et affirma la liberté d'association.

 

Postérieurement à la loi de 1901, la liberté d'association ne fut pas remise en cause par le législateur, sauf sous le régime de Vichy qui, sans poser d'interdiction générale, édicta des dispositions particulières interdisant des associations en fonction de la qualité de leurs membres (juifs, communistes, anciens combattants) ou de leur objet (association professionnelle).

 

La liberté d'association est aujourd'hui une liberté publique, garantie au titre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » garantis par le préambule de la Constitution de 1958. De ce fait, la liberté d'association a une valeur constitutionnelle (Cons. Constit., 16 juill. 1971, déc. N°71-44, J. O. 28 juill.).

 

Elle est également garantie par divers textes internationaux, notamment la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le législateur ordinaire, et a fortiori le pouvoir réglementaire ne peuvent limiter l'exercice de cette liberté fondamentale, notamment en instituant un contrôle préalable.

 

 

 

2. Le contenu de la liberté d'association

 

La liberté d'association, c'est en premier lieu, la liberté de constituer une association. La création d'une association ne peut être subordonnée à une autorisation préalable, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juill. 1971. Néanmoins, il est intéressant de signaler le cas particulier des départements d'Alsace-Moselle, lesquels ne sont pas régis par la loi de 1901, en raison de leur annexion par l'Allemagne à l'époque du vote de cette loi, mais qui relèvent du droit local. L'article 21 du Code civil local prévoit, en effet, un régime d'autorisation préalable des associations par une inscription au registre des associations du tribunal d'instance compétent. Celui-ci vérifie la légalité des statuts et du but poursuivi par l'association. Bien qu'un tel régime apparaisse contraire à la décision du Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat a estimé que le droit local assurait effectivement la liberté d'association et de façon différente que sur le reste du territoire mais cependant en conformité avec la Constitution. (CE, 25 juin 1980, Ministre de l'Intérieur c/ Eglise évangéliste baptiste, AJDA 1981-206).

 

 

 

La liberté d'association, c'est en second lieu, la liberté d'adhérer à une association. Néanmoins, l'association est libre de ne pas accepter la proposition d'adhésion. Elle est donc libre de refuser, sur le fondement de la liberté contractuelle, un candidat à l'adhésion sans avoir à donner de motif. (Civ. 1re, 7 avr. 1987, Bull. civ. I n°119)

 

La liberté d'association, c'est en dernier lieu, la liberté de refuser d'adhérer à une association et la liberté de s'en retirer. Nul ne peut être contraint d'adhérer à une association. Il existe cependant des lois qui ont imposé l'adhésion obligatoire à une association. Elles apparaissent aujourd'hui contraire à la liberté d'association et celles qui subsistent devraient être réformées (notamment la loi dite Verdeille n°64-696 du 10 juill. 1964 prévoyant que les propriétaires d'unités foncières de moins de 20 hectares sont membres de droit de l'association communale de chasse agréée et qui selon la Cour européenne des droits de l'homme porte atteinte au droit de propriété et à la liberté d'association : CEDH, 29 avr. 1999).

 

 

 

3. Les limites à la liberté d'association

 

L'exercice de la liberté d'association suppose la conclusion d'un contrat de droit privé lequel est soumis aux règles du Code civil relatives à la formation des contrats. Il suppose aussi le respect de règles plus spécifiques constituant des limites à la liberté d'association. Ces limites tiennent à l'objet de l'association (3.1.), ou au refus opposé à certaines personnes (3.2.).

 

 

 

3.1. Limites tenant à l'objet de l'association

 

Comme le précise l'art. 3 de la loi de 1901 : « Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet. » La dissolution est prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de tout intéressé ou du ministère public. Les notions de licéité, d'ordre public, de bonnes moeurs sont difficiles à déterminer et leur contenu évolue selon les époques. Une loi du 10 janv. 1936 a édicté d'autres interdictions après la loi de 1901. Elle a ainsi interdit les associations ayant pour objet de porter atteinte à l'intégrité du territorial national, ou provoquant des manifestations armées dans la rue ou ayant la forme de milices privées ou de groupes de combat. Cette loi de 1936 a été complétée par d'autres textes. L'ordonnance du 30 sept. 1944 interdit les groupements tentant de faire échec au rétablissement de la légalité républicaine. Une loi du 5 janv. 1951 classe dans cette catégorie les associations rassemblant d'anciens collaborateurs ou faisant l'apologie de la Collaboration. L'art. 9 de la loi du 1er juill. 1972 soumet à la loi de 1936 les associations ou groupements de fait qui se livrent à la propagande raciste en provoquant à la discrimination, à la haine, la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées ou qui propageraient des idées ou théories justifiant ou encourageant de tels comportements. Enfin l'art. 7 de la loi du 3 sept. 1986 rattache à la procédure de la loi de 1936 les associations ou groupements de fait établis en France et préparant ou se livrant à des actes de terrorisme français ou, à partir de celui-ci, à l'étranger.

 

 

 

3.2. Limites tenant à certaines personnes

 

Depuis la loi n°81-909 du 9 oct. 1981, les associations étrangères ayant leur siège social en France relèvent du régime de droit commun. Les étrangers doivent seulement être en situation régulière en France pour pouvoir adhérer à une association ou en diriger une. Seules les associations ayant leur siège social à l'étranger sont réputées étrangères et soumises à la législation de leur Etat. Ne sont pas considérés comme étrangers, les ressortissants et associations de l'Union européenne. Selon l'art. 9 al. 1 de la loi du 13 juill. 1972 portant statut général des militaires, les militaires en activité de service ne peuvent adhérer à des groupements ou associations à caractère politique ou syndical dans l'intérêt supérieur du service et la nécessité du maintien de la discipline. Cette interdiction ne concerne pas les militaires servant au titre du service national, lesquels doivent seulement s'abstenir de toute activité politique ou syndicale pendant leur présence sous les drapeaux (art. 10 al. 4). Elle ne concerne pas non plus les associations autres que politiques ou syndicales auxquelles peuvent librement adhérer les militaires.

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